J.O. 300 du 26 décembre 2004       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet
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Décision de la Commission de régulation de l'énergie du 22 juillet 2004 se prononçant sur un différend relatif au raccordement au réseau public de distribution d'un ensemble de sept maisons d'habitation qui oppose la société JMF IMMO à Electricité de France (EDF)


NOR : CREX0407553S



La Commission de régulation de l'énergie,

Vu la demande de règlement de différend, enregistrée le 25 juin 2004 sous le numéro 04-38-08, présentée par la société JMF IMMO, société civile immobilière, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Sète sous le numéro D 431 325 455, dont le siège social est situé 5, impasse du Moulin-à-Vent, 34140 Bouzigues, prise en la personne de son gérant en exercice, M. Jean Dalzon, ayant pour avocat Me Gilles Margall, 10, rue du Palais-des-Guilhem, 34000 Montpellier ;

La société JMF IMMO a saisi la Commission de régulation de l'énergie du différend qui l'oppose à Electricité de France (EDF) concernant le refus de raccordement au réseau public de distribution d'un ensemble de sept maisons d'habitation construites dans le cadre de la deuxième tranche du lotissement Les Bastides du Moulin, au lieudit Le Moulin à Vent, à Portiragnes (Hérault).

La société JMF IMMO soutient que, afin de la sanctionner pour avoir engagé un contentieux sur sa participation financière pour la réalisation de la première tranche du projet de construction du lotissement Les Bastides du Moulin, le maire de la commune de Portiragnes a, par lettre du 28 janvier 2004, mis en demeure Electricité de France (agence de Béziers) de ne pas raccorder la deuxième tranche dudit lotissement, soit sept villas sur les vingt-quatre édifiées en vertu du permis de construire du 14 juin 2001.

La société JMF IMMO indique avoir formé un recours en annulation de la décision du maire de Portiragnes ainsi que trois recours en référé suspension, tous les trois rejetés. Elle précise que, à la suite de la notification à la mairie de Portiragnes de la déclaration d'achèvement des travaux des constructions non raccordées, elle a introduit un quatrième recours en référé dont l'audience est fixée au 29 juin 2004.

La société JMF IMMO considère que l'illégalité de la situation est manifeste dès lors que le droit d'accès au réseau électrique, tel qu'exprimé à l'article 1er de la loi du 10 février 2000, est méconnu, d'autant que la conformité des réseaux a été établie par Electricité de France. Elle estime également qu'admettre que le maire d'une commune puisse refuser un raccordement au réseau électrique ou s'y opposer revient à priver de portée par le jeu de ses pouvoirs de police les effets de cet article et à ajouter à la réglementation du permis de construire une démarche nouvelle.

Elle soutient que la décision du maire de Portiragnes ne saurait lui être opposée dès lors que cette décision est fondée sur l'article 23 du cahier des charges de la concession pour la distribution publique d'électricité et non sur l'article L. 111-6 du code de l'urbanisme, seule disposition de nature à fonder une opposition de la commune au raccordement. Elle considère qu'en tout état de cause les motifs retenus pour interdire le raccordement des villas en cause sont sans lien avec la distribution électrique. Elle soutient, en conséquence, que la commune ne pouvait s'opposer au raccordement et qu'Electricité de France ne pouvait faire droit à cette opposition illégale.

La société JMF IMMO fait remarquer que sa situation est particulièrement critique et s'aggrave du fait d'assignations diligentées par les acquéreurs et occupants potentiels des sept villas demeurant à raccorder. Cette urgence justifie selon la société JMF IMMO l'intervention de la Commission de régulation de l'énergie sur le fondement de l'article 38 de la loi du 10 février 2000.



La société JMF IMMO demande en conséquence à la Commission de régulation de l'énergie :

- à titre principal, d'enjoindre à Electricité de France de procéder au raccordement au réseau électrique des villas constituant la seconde tranche du lotissement ;

- à titre accessoire, d'enjoindre à Electricité de France de procéder immédiatement, et dans l'attente de l'examen au fond de la requête présentée devant le tribunal administratif de Montpellier, au raccordement provisoire au réseau électrique desdites villas ;

Vu les observations, enregistrées le 5 juillet 2004, présentées par la commune de Portiragnes dont le chef-lieu est situé à l'hôtel-de-ville, avenue Jean-Moulin, 34420 Portiragnes, représentée par son maire en exercice, M. Jean-Claude Lugan, ayant pour avocat Me André Brunel, 3, rue Richer-de-Belleval, 34000 Montpellier ;

La commune de Portiragnes rappelle les différentes procédures engagées par la société JMF IMMO devant le tribunal administratif de Montpellier. Elle précise qu'un expert a été désigné, par ordonnance du 31 mars 2004, pour examiner la conformité des réseaux réalisés par la société JMF IMMO.

La commune de Portiragnes considère que la Commission de régulation de l'énergie doit déclarer irrecevable la requête de la société JMF IMMO en raison des instances en cours. Elle estime, en effet, que la loi du 10 février 2000 n'autorise pas la commission à interférer dans une procédure juridictionnelle, ni à se substituer à la juridiction régulièrement saisie.

La commune de Portiragnes soutient qu'il n'existe aucun différend entre le gestionnaire de réseau et l'utilisateur et qu'il n'appartient pas à la commission de contrôler l'exercice des pouvoirs de police du maire en vertu desquels Electricité de France s'est vu interdire de procéder au raccordement.

La commune de Portiragnes considère qu'en application des règles de procédure civile auxquelles renvoie l'article 8 du décret du 11 septembre 2000 la Commission de régulation de l'énergie, si elle se déclarait compétente, devrait accueillir l'exception de litispendance alors même qu'elle n'est pas une juridiction.

La commune de Portiragnes fonde son opposition au raccordement sur le fait que les matériaux utilisés pour réaliser l'installation électrique de la deuxième tranche du lotissement ne sont pas conformes aux normes opposables au constructeur et qu'en vertu d'une jurisprudence constante un refus de raccordement est valablement opposé sur le fondement de l'article L.111-6 du code de l'urbanisme lorsque le pétitionnaire n'a pas versé la participation au renforcement du réseau prévue par l'autorisation.

La commune estime, enfin, qu'il n'y a pas d'urgence et que la menace d'assignation des acquéreurs n'est que la suite logique des décisions de la société JMF IMMO qui s'est mise elle-même en situation critique.

La commune de Portiragnes demande à la Commission de régulation de l'énergie :

- à titre principal, de déclarer irrecevable la requête de la société JMF IMMO ;

- à titre subsidiaire, de rejeter les demandes de la société JMF IMMO ;

Vu les observations en défense, enregistrées le 8 juillet 2004, présentées par Electricité de France (EDF), en sa qualité de gestionnaire du réseau public de distribution, établissement public à caractère industriel et commercial inscrit au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro B 552 081 317, dont le siège social est situé 22-30, avenue de Wagram, 75008 Paris, représenté par Marc Espalieu, directeur d'EDF, réseau de distribution ;



Electricité de France soutient que le double critère définissant la compétence de la Commission de régulation de l'énergie fait défaut dans le cas d'espèce. En ce qui concerne le critère de la qualité des parties, Electricité de France considère que la société JMF IMMO ne se présente pas en tant qu'utilisateur de réseaux, mais en tant que promoteur immobilier, qui, avant de commercialiser des villas, se devait de viabiliser les lots. C'est à ce titre que la société JMF IMMO a conclu le 3 octobre 2001 avec Electricité de France un contrat « d'alimentation en électricité », qui prévoyait la réalisation des travaux de desserte de l'ensemble immobilier en vue d'une utilisation future du réseau par de potentiels occupants des constructions édifiées. Electricité de France considère que seuls ces occupants pourront être considérés comme desservis par le réseau au sens de la définition donnée par la directive du 19 décembre 1996 et être regardés comme des utilisateurs du réseau public de distribution.

En ce qui concerne le critère de la nature du différend, Electricité de France estime que le droit d'accès s'exerce aux termes de l'article 23 de la loi du 10 février 2000 en vue, soit de l'exécution des missions de service public du gestionnaire de réseau, soit de l'exécution des contrats d'approvisionnement en électricité des clients éligibles, soit de l'approvisionnement par un producteur de ses établissements, de ses filiales et de sa société mère, soit de l'exécution des contrats d'exportation. Or, la société JMF IMMO ne se prévaut d'aucune de ces situations et n'est pas titulaire de l'un des contrats mentionnés à l'article 23 précité lui permettant de se prévaloir d'un droit d'accès.

Electricité de France soutient que la société JMF IMMO a saisi la Commission de régulation de l'énergie pour obtenir d'elle ce qu'elle ne pouvait obtenir du juge administratif et qu'elle n'apporte aucune démonstration propre à convaincre qu'est en cause une question d'accès ou d'utilisation des réseaux, dès lors que le litige ne concerne que des questions relatives à la conformité du lotissement aux perscriptions du permis de construire.

A titre subsidiaire, Electricité de France soutient que la Commission de régulation de l'énergie, en tant qu'autorité administrative, est incompétente pour apprécier la légalité de l'injonction qui lui a été notifiée par le maire de la commune de Portiragnes, celle-ci étant une décision administrative individuelle et non un règlement administratif.

Electricité de France considère qu'il lui appartient, sur le fondement de l'article L. 111-6 du code de l'urbanisme, retranscrit par l'article 23 du cahier des charges pour la concession de distribution d'énergie électrique conclue le 11 mars 1994, de respecter l'injonction adressée par le maire de la commune de Portiragnes sans pouvoir en apprécier la légalité. En conséquence, Electricité de France soutient qu'aucun comportement fautif ne peut lui être imputé.

Electricité de France indique, par ailleurs, que la référence au seul article 23 du cahier des charges de concession de distribution d'énergie électrique dans la décision du maire de la commune de Portiragnes du 28 janvier 2004 est sans influence sur la légalité de la décision d'Electricité de France de ne pas accorder les villas en question, d'autant que la deuxième décision du maire, en date du 5 juillet 2004, par laquelle il lui enjoint à nouveau de ne pas procéder à un tel raccordement, se fonde explicitement sur l'article L. 111-6 du code de l'urbanisme.

Electricité de France demande à la Commission de régulation de l'énergie :

- de se déclarer incompétente et, en conséquence, de rejeter la demande de la société JMF IMMO ; à titre subsidiaire :

- de déclarer bien-fondée la décision d'Electricité de France de ne pas raccorder la deuxième tranche du lotissement Les Bastides du Moulin ;

- de rejeter la demande de la société JMF IMMO de lui enjoindre de procéder au raccordement à titre principal ;

- de rejeter la demande de mesure accessoire présentée par la société JMF IMMO ;



Vu les observations complémentaires de la société JMF IMMO, enregistrées le 9 juillet 2004 ;

La société JMF IMMO indique que, par une ordonnance en date du 30 juin 2004, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a suspendu la décision du maire de la commune de Portiragnes du 28 janvier 2004 au motif que la déclaration d'achèvement de travaux emportait présomption d'achèvement des constructions et, donc, de leur habitabilité imminente, situation qui marquait l'urgence à voir suspendue la décision litigieuse.

La société JMF IMMO soutient que l'article L. 111-6 du code de l'urbanisme, qui fonde la décision du maire du 5 juillet 2004 enjoignant à Electricité de France de ne pas raccorder les sept villas, ne vise que les constructions illégales édifiées sans permis, ce qui n'est pas le cas des constructions en cause.

La société JMF IMMO considère qu'Electricité de France, en faisant application de cette deuxième décision et en considérant que les décisions, même manifestement illégales, de l'autorité municipale primaient sur les décisions du juge des référés, a eu une attitude complaisante. Elle estime que ce comportement est ambigu, puisque Electricité de France a fixé des rendez-vous, les 20 et 21 juillet 2004, à la société JMF IMMO pour installer les compteurs, mais a changé de position par la suite.

La société JMF IMMO indique, enfin, que la première réunion contradictoire de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier qui s'est tenue le 7 juillet 2004 n'a pas permis d'établir de grief particulier concernant les réseaux électriques, dont la conformité avait été établie et actée par Electricité de France. La société JMF IMMO soutient par ailleurs que, lors de cette réunion, la commune de Portiragnes n'a pas précisé en quoi les réseaux électriques n'étaient pas conformes aux normes et règles techniques en vigueur, alors que ces réseaux avaient été contrôlés par des bureaux de contrôle indépendants.

En conséquence, la société JMF IMMO persiste dans toutes ses demandes ;

Vu les observations complémentaires de la commune de Portiragnes, enregistrées le 12 juillet 2004 ;

La commune de Portiragnes indique que, par sa lettre du 5 juillet 2004, le maire a complété son opposition du 28 janvier 2004 par le visa de l'article L. 111-6 du code de l'urbanisme qui l'autorise à refuser le branchement de constructions ne répondant pas aux conditions du permis de construire. La commune rappelle que les conditions financières de ce permis n'ont pas été respectées par la société JMF IMMO.

La commune de Portiragnes soutient qu'elle a apporté la preuve que la délibération du conseil municipal autorisant le maire à signer la convention du 28 février 2001 a été transmise à la sous-préfecture de Béziers le 27 février 2004 ;

Vu les observations complémentaires de la société JMF IMMO, enregistrées le 12 juillet 2004 ;

La société JMF IMMO considère qu'elle est à la fois utilisateur de réseaux électriques mais aussi usager du service public, que ce soit pour les lots non cédés ou donnés à bail ou pour les parties communes (éclairage public des voiries) dont elle assure la charge jusqu'au transfert à la commune. La société JMF IMMO considère donc qu'elle a la qualité d'utilisateur des réseaux.

La société JMF IMMO indique que le contrat « d'alimentation en électricité » qu'elle a conclu avec Electricité de France est actuellement privé d'effet et qu'il est abusif de considérer que le litige ne porte pas sur l'accès au réseau mais sur des questions de conformité de réseaux et voiries.

La société soutient que la décision du maire du 28 janvier 2004 ne s'applique plus dans la mesure où elle a été suspendue par le juge des référés et que, de surcroît, l'article 23 du cahier des charges de distribution publique d'électricité, sur lequel cette décision a été fondée, ne peut lui être opposé ou doit être considéré comme illégal, dès lors qu'il instaure un pouvoir de police du maire qui viole l'article 1er de la loi du 10 février 2000 ;



Vu les observations complémentaires d'Electricité de France enregistrées les 13 et 15 juillet 2004 ;

Electricité de France indique que la société a déclaré dans ses écritures du 25 juin 2004 que les villas ont été vendues ou louées et qu'il n'a été saisi d'aucune demande de la société JMF IMMO au titre de l'alimentation de l'éclairage public. Electricité de France considère, donc, que la société JMF IMMO n'a pas la qualité d'utilisateur du réseau.

Electricité de France rappelle qu'il n'est pas en mesure, en sa qualité d'autorité gestionnaire du réseau de distribution publique d'électricité, d'apprécier la légalité d'un acte administratif pris par l'autorité compétente et que sa décision s'inscrit dans le cadre de l'article L. 111-6 du code de l'urbanisme, repris par l'article 23 du cahier des charges de la concession de distribution publique.

Electricité de France reconnaît avoir programmé des dates de pose de compteurs, mais indique que cette prise de rendez-vous ne préjuge pas de la pose effective des compteurs, qui ne peut intervenir qu'après que l'ouvrage du réseau lui a été remis. Par ailleurs, Electricité de France a reçu le 5 juillet 2004 la nouvelle injonction du maire de la commune de Portiragnes de ne pas raccorder les villas en cause.

Electricité de France soutient qu'un recours en annulation contre la décision du maire du 5 juillet 2004 a été introduit devant le juge administratif JMF IMMO et qu'en application de la décision de la Commission de régulation de l'énergie du 6 mai 2003, SINERG c/ EDF, la commission devrait se déclarer incompétente dès lors que le différend repose sur la même cause juridique que celle sur laquelle se fonde le recours formé.

Electricité de France indique, enfin, que l'article 23 du cahier des charges de la concession est la transcription du pouvoir de police du maire prévu à l'article L. 111-6 du code de l'urbanisme, auquel renvoient expressément les commentaires de l'article 23 ;

Vu les autres pièces des dossiers remis par les parties ;

Vu la directive no 96/92/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 décembre 1996 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité ;

Vu le code de l'urbanisme, et notamment son article L. 111-6 ;

Vu la loi no 2000-108 du 10 février 2000 modifiée relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité ;

Vu le décret no 2000-894 du 11 septembre 2000 modifié relatif aux procédures applicables devant la Commission de régulation de l'énergie ;

Vu la décision du 15 février 2001 de la Commission de régulation de l'énergie relative au règlement intérieur de la commission ;

Vu la décision du 6 juillet 2004 du président de la Commission de régulation de l'énergie relative à la désignation d'un rapporteur et d'un rapporteur adjoint pour l'instruction d'une demande de règlement de différend ;

Vu le cahier des charges de la concession accordée par la commune de Portiragnes pour la distribution publique d'électricité, et notamment son article 23 ;



Les parties ayant été régulièrement convoquées à la séance publique de la Commission de régulation de l'énergie, qui s'est tenue le 22 juillet 2004, en présence de :

M. Jean Syrota, président, Mme Jacqueline Benassayag et MM. Eric Dyevre, Bruno Lechevin, Pascal Lorot et Jacques-André Troesch, commissaires ;

M. Olivier Challan Belval, directeur général, Mme Gisèle Avoie, directrice juridique ;

M. Mounir Meddeb, rapporteur, et M. Gaël Bouquet, rapporteur-adjoint ;

MM. Jean-Claude Millien, Patrick Lemaire, Olivier Beatrix et Bénédicte Magherini pour Electricité de France.

Après avoir entendu :

- le rapport de M. Mounir Meddeb, présentant les moyens et les conclusions des parties ;

- les observations de M. Jean-Claude Millien, pour Electricité de France : Electricité de France persiste dans ses conclusions et moyens. Il soutient que la société JMF IMMO n'a pas la qualité d'utilisateur des réseaux et n'a pas demandé un contrat d'accès au réseau. Electricité de France considère qu'il ne lui appartient pas d'apprécier la légalité de la décision du maire de la commune de Portiragnes qu'il n'a pu qu'exécuter ; il indique ne pas avoir d'observation sur la non-conformité des installations alléguées par la commune de Portiragnes ; Electricité de France indique qu'en l'absence de la décision du maire du 5 juillet 2004, il aurait poursuivi les travaux de desserte en vue de procéder au raccordement des sept villas.

La Commission de régulation de l'énergie en ayant délibéré le 22 juillet 2004, après que les parties, le rapporteur, le rapporteur adjoint, le public et les agents des services se sont retirés.



Les faits :

Par une délibération en date du 5 juin 1989, la commune de Portiragnes (Hérault) a approuvé le programme de création et d'extension du plan d'aménagement d'ensemble au lieudit Le Moulin à Vent et arrêté la liste, le coût et les délais de réalisation des équipements publics.

Par une délibération du 26 février 2001, la commune de Portiragnes a approuvé le projet de convention fixant le montant de la participation financière de la société JMF IMMO pour la réalisation de la première tranche du projet de construction, dans le cadre du plan d'aménagement d'ensemble au lieudit Le Moulin à Vent, d'un lotissement à caractère locatif dénommé Les Bastides du Moulin. Cette convention a été signée le 28 février 2001 par la société JMF IMMO.

Par un arrêté municipal du 14 juin 2001, un permis de construire a été délivré à la société JMF IMMO pour la construction de vingt-quatre maisons d'habitation. Le 3 octobre 2001, Electricité de France a adressé à la société JMF IMMO une proposition technique et financière qui prévoyait notamment la réalisation d'un réseau de desserte intérieur qui serait raccordé au poste de distribution publique Picasso. Le 24 avril 2002, la proposition technique et financière a été acceptée par la société JMF IMMO.

Le 3 octobre 2001, un contrat d'alimentation en électricité a été conclu entre Electricité de France et la société JMF IMMO en vue de l'alimentation de l'ensemble immobilier.

Le 13 mars 2003, la commune de Portiragnes a établi un titre de recettes pour le recouvrement de la participation financière due par la société JMF IMMO pour la réalisation de la première tranche du programme. Ce titre ainsi que le commandement de payer ont fait l'objet de recours en annulation devant le tribunal administratif de Montpellier, de même que la convention du 28 février 2001 au motif qu'elle a été signée par le maire avant que la délibération du conseil municipal l'y autorisant ne soit rendue exécutoire par sa transmission à la sous-préfecture de Béziers.



Par lettre du 28 janvier 2004, le maire de la commune de Portiragnes a enjoint à Electricité de France, sur le fondement de l'article 23 du cahier des charges de la concession de distribution publique, de refuser le raccordement au réseau public d'électricité de la deuxième tranche du lotissement, soit sept villas sur les vingt-quatre construites. Les deux motifs mentionnés dans cette lettre étaient la non-conformité des matériaux de voirie et le défaut de paiement de la participation d'un montant de 116 496,36 EUR prévue dans le permis de construire délivré le 14 juin 2001 et due au titre du programme d'aménagement d'ensemble du Moulin à vent.

Par courrier en date du 29 janvier 2004, Electricité de France a informé la société JMF IMMO que, en application de la décision du maire, il ne pouvait pas procéder à la mise sous tension du réseau réalisé par la société.

Parallèlement au recours en annulation qu'elle a introduit contre la décision du maire en date du 28 janvier 2004 la société JMF IMMO a sollicité à trois reprises, sans succès, sa suspension devant le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier.

A la suite d'un quatrième recours, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a suspendu par ordonnance du 30 juin 2004 la décision du maire de la commune de Portiragnes du 28 janvier 2004, au motif que le moyen tiré de l'erreur de droit invoqué par la société JMF IMMO était de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de cette décision. Cette ordonnance a été notifiée à Electricité de France le 6 juillet 2004.

Le 5 juillet 2004, la société JMF IMMO a demandé à Electricité de France de raccorder les sept villas et des dates ont été fixées pour procéder à la pose des compteurs dans les semaines qui suivent.

Toutefois, par lettre du 5 juillet 2004, le maire de la commune de Portiragnes a mis en demeure Electricité de France de refuser le raccordement au réseau de la deuxième tranche du lotissement Les Bastides du Moulin en application des dispositions de l'article L. 111-6 du code de l'urbanisme. La lettre précise que cette mise en demeure « complète » celle du 28 janvier 2004.

Par courrier en date du 6 juillet 2004, Electricité de France a informé la société JMF IMMO qu'il était dans l'impossibilité de procéder au raccordement en raison de la nouvelle injonction du maire.

Le 25 juin 2004, la société JMF IMMO a saisi la Commission de régulation de l'énergie sur le fondement de l'article 38 de la loi du 10 février 2000 d'une demande de règlement de différend sur le raccordement des sept villas de la deuxième tranche du lotissement Les Bastides du Moulin.

Sur la compétence de la Commission de régulation de l'énergie :

Aux termes de l'article 38 de la loi du 10 février 2000 « en cas de différend entre les gestionnaires et les utilisateurs des réseaux publics de transport ou de distribution d'électricité [...] lié à l'accès auxdits réseaux [...] ou à leur utilisation, notamment en cas de refus d'accès ou de désaccord sur la conclusion, l'interprétation ou l'exécution des contrats et protocoles visés [...] à l'article 23 de la présente loi [...], la Commission de régulation de l'énergie peut être saisie par l'une ou l'autre des parties. [...] ».

Il résulte des dispositions précitées que la Commission de régulation de l'énergie est compétente pour statuer sur toute demande de règlement d'un différend lié à l'accès au réseau public d'électricité, opposant un utilisateur à un gestionnaire du réseau.

Il ressort des pièces du dossier que la société JMF IMMO demeure propriétaire des parties communes du lotissement tant que celles-ci ne sont pas transférées à la commune. Il résulte de cette situation que cette société doit être regardée, en l'état du dossier soumis à la Commission, comme ayant la qualité d'utilisateur des réseaux publics d'électricité et de ce fait titulaire d'un droit d'accès auxdits réseaux.



C'est donc à tort qu'Electricité de France dénie à la société JMF IMMO la qualité d'utilisateur du réseau public de distribution d'électricité dans le cadre du présent différend.

Par ailleurs, Electricité de France soutient que le litige qui l'oppose à la société JMF IMMO ne concerne pas l'accès aux réseaux auquel pourrait prétendre ladite société, mais des questions relatives à la conformité du lotissement aux prescriptions du permis de construire.

Toutefois, la compétence de la Commission de régulation de l'énergie n'est pas limitée aux litiges concernant les seuls contrats visés expressément à l'article 38 de la loi du 10 février 2000, mais s'étend à l'ensemble des différends liés à l'accès aux réseaux.

Dès lors, la Commission de régulation de l'énergie est compétente pour régler les différends pouvant survenir entre un utilisateur d'un réseau public et son gestionnaire dans la réalisation du raccordement au réseau public d'électricité, dès lors que celle-ci constitue la condition physique de l'accès d'un utilisateur au réseau.

Il suit de là que la Commission de régulation de l'énergie est compétente pour se prononcer sur le différend qui oppose la société JMF IMMO à Electricité de France, qui porte sur le raccordement au réseau public de distribution d'électricité d'un ensemble de sept maisons d'habitation.

Sur la demande de raccordement :

La société JMF IMMO demande à la Commission de régulation de l'énergie d'enjoindre à Electricité de France de procéder au raccordement au réseau électrique de sept villas sur les vingt-quatre édifiées sur le territoire de la commune de Portiragnes.

Aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'urbanisme, « les bâtiments, locaux ou installations soumis aux dispositions des articles L. 111-1, L. 421-1 ou L. 150-1 ne peuvent, nonobstant toutes clauses contraires des cahiers des charges de concession, d'affermage ou de régie intéressée, être raccordés définitivement aux réseaux d'électricité, d'eau, de gaz ou de téléphone si leur construction ou leur transformation n'a pas été, selon le cas, autorisée ou agréée en vertu des articles précités ».

En application de cette disposition, le maire de la commune de Portiragnes a enjoint le 5 juillet 2004 à Electricité de France de ne pas raccorder au réseau public de distribution d'électricité la deuxième tranche du lotissement Les Bastides du Moulin. Cette décision a été prise à la suite de la suspension par le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier d'une précédente décision du 28 janvier 2004 ayant le même objet.

Dans une telle hypothèse, il appartient au gestionnaire du réseau de distribution de se conformer à la décision du maire prise dans le cadre de son pouvoir de police de l'urbanisme en vertu de dispositions législatives. Par suite, la Commission de régulation de l'énergie ne peut que constater qu'Electricité de France était fondé à refuser le raccordement sollicité au réseau public de distribution d'électricité.

En outre, la Commission de régulation de l'énergie, lorsqu'elle statue sur une demande de règlement de différend en application de l'article 38 de la loi du 10 février 2000, n'a pas compétence pour apprécier la légalité d'une décision destinée à assurer le respect des règles d'utilisation du sol. Il n'en irait autrement que si la décision était manifestement illégale, en raison notamment de l'incompétence de son auteur ou d'un motif insusceptible de se rattacher à l'article L. 111-6 du code de l'urbanisme.

En l'espèce, si la société JMF IMMO soutient devant la Commission de régulation de l'énergie que la décision du maire de la commune de Portiragnes du 5 juillet 2004 est illégale, il ne ressort toutefois pas des pièces versées au dossier que cette décision soit entachée d'une illégalité manifeste.

Il résulte de ce qui précède que la Commission de régulation de l'énergie ne peut donc que rejeter les demandes de la société JMF IMMO, Décide :


Article 1


Les demandes de la société JMF IMMO sont rejetées.

Article 2


La présente décision sera notifiée à la société JMF IMMO, à la commune de Portiragnes et à Electricité de France (EDF) et sera publiée au Journal officiel de la République française.


Fait à Paris, le 22 juillet 2004.


Pour la Commission de régulation de l'énergie :

Le président,

J. Syrota